Sheep’s l’a échappé belle!

Ou: Quand les meilleures intentions se heurtent aux lois de la nature…
Bref, une variante de: L’enfer est pavé de bonnes intentions.

(pre-scriptum: ceci est un article sur nos moutons… mais ça fonctionne pareil chez nos chevaux, alors faites comme si on parlait de chevaux, sautez juste le terme ‘rumination’ et c’est quasi tout bon)

1/ Un constat

Nos moutons sont gros. Trop gros.
Cela fait trois ans pour Bar’Quête et deux ans pour Sheep’s que c’est ainsi et que nous déplorons ce fait sans comprendre ce qui crée cet état.
Pourtant, on ne donne pas de grain, nos cavaliers sont scrupuleusement invités à ne jamais-jamais laisser trainer seaux de grains ni friandises (pas même le pain), et de nettoyer la grande mangeoire s’il y reste du grain.
Nos moutons n’ont pas un accès illimité au foin.
Même, la nuit, ils n’ont rien à manger.
Leur nature demande 8h de récolte d’herbe, 8h de rumination et 8h de repos et activités autres. Or, nos moutons sortent au grand maximum 8h par jour, au cours desquels ils ruminent parfois (et donc n’emmagasinent pas d’herbe), ou viennent nous rendre visite.
Alors, pourquoi sont-ils gros, vu qu’ils n’avalent pas autant de fourrage qu’ils devraient?
J’ai posé la question au véto, aux éleveurs… tous m’ont dit que je devais trop donner de grain à nos moutons.
🙁
Ben non justement, on fait super gaffe… Question désespérément sans réponse.

Bon, pour Bar’Quête, son papa, c’était un mouton à viande, ça se comprend un peu, alors, qu’elle soit trop grosse, si, quand même.
Ces moutons-là sont sélectionnés pour faire de gros bébés qui grossissent vite et beaucoup. Ils ne sont pas du tout sélectionnés pour vivre vieux et en bonne santé, vu qu’ils sont mangés avant.
Heureusement, Bar’Quête avait une très jolie maman, Surprise (oui parce-que vous avouerez que son papa ne ressemble pas au bélier charmant, quand même, hein!), ce qui fait que Bar’Quête pourra peut-être vivre plus longtemps que 4 ou 5 ans… ma douce…

Mais pour Sheep’s? Elle, ce n’est pas une race sélectionnée uniquement pour la viande!

Bon, pour Sheep’s, hé bien elle est de race Ouessant. Elle est donc supposée vivre sur un île pauvre en nourriture et rude en climat.
Euh… ah zut! on n’a pas vraiment ça ici… Pfff…
En plus, si le climat se gâte, Sheep’s, elle n’est pas attachée à une longue chaine à subir les intempéries, non, Sheep’s, comme toute brebis de luxe, rentre dare-dare aux abris où et quand bon lui semble…

Et Sheep’s ne fait plus de bébé, pas plus que Bar’Quête d’ailleurs. Donc elles se gardent pour elles toutes seules toute l’énergie emmagasinée au lieu de redistribuer leurs richesses à leur descendance.

2/ Comment créer une acidose chez Sheep’s?

Un mouton – comme un cheval notez bien – a besoin de longues fibres végétales pour que son système digestif fonctionne bien, d’un point de vue mécanique.
Par ailleurs, si la nourriture vient à être trop riche, le fonctionnement de l’estomac est dévarié et l’acidité le gagne petit-à-petit et crée une acidose (acidification du sang).
L’acidose (animale ou humaine) entraine une acidification et donc une inflammation des tissu conjonctifs et des tissus de soutien (ou lame basale: couche de cellules faisant le lien entre différentes structures dans le corps – animal ou humain), etc. et amène petit-à-petit à leur durcissement. Or, c’est pas prévu pour être dur, ces tissus… Non-non…

Nos moutons trop gros, on a voulu qu’ils le soient moins, cette année.
Alors on a décidé qu’ils passeraient plus de temps à chercher l’herbe rase du club, plutôt qu’à se goinfrer de foin dans le hangar à foin, ou le long des paddocks quand on stocke du foin d’avance. On a bien ajouté des clôtures pour qu’ils n’accèdent plus au foin.

Quadruple erreur:
– nous avons ainsi enlevé de leur alimentation leur principale source de longues fibres, l’herbe étant principalement rase (pas partout, certes), et mis en détresse leur système digestif,
– les bactéries utiles pour digérer le foin sont mortes en grand nombre, donnant trop de protéines animales (vous savez, comme pour nous, les protéines animales, ça favorise l’acidité et en conséquences, les peaux grasses, l’acnée, la goutte…)
– ils ont moins eu besoin de salive (qui a un pH basique) pour mastiquer et avaler leur repas sur la journée, donc la salive n’a pas pu faire correctement tampon (lutter contre l’acidité) dans l’estomac (mince!)
– désoeuvrés sans le foin, les moutons ont mangé encore plus de cette herbe courte et en pleine croissance printanière, cette herbe donc très riche en sucres rapides (aïe, décidément!).

Sheep’s a développé une acidose, qui s’est partiellement manifestée par:
– des crottes molles,
– puis par une propension à se coucher beaucoup et respirer un peu trop vite (et donc non, ce n’était pas à cause de la chaleur ni de sa laine) et se déplacer plus lentement que d’habitude
– et enfin par une posture caractéristique de fourbure………… !!!!!
Quel crève-coeur, quelle inquiétude…
On aurait dit qu’elle penchait en arrière, à l’arrêt comme en marchant :-/
En fait, elle disait ainsi qu’elle avait mal à la pointe de ses sabots et elle ne voulaient pas que le bout touche le sol.
Le tissu reliant les chairs et le sabot a donc été atteint par l’acidose et une inflammation s’est installée là.

3/ Pour sauver Sheep’s de la fourbure

La manipulation ostéopathique est arrivée le jour-même où Sheep’s a commencé à manifester cette fourbure (merci à Patrick Chêne).
La mise en box et au foin strict et à l’eau, pour ne plus laisser accès du tout aux sources de nourriture riche, afin de couper l’acidose et cesser d’abîmer le podophylle.

Et quelques jours plus tard, miracle, Sheep’s a commencé à bien se tenir sur ses pieds et à marcher normalement!
On pense que ce n’était qu’une amorce de fourbure. La paroi ne s’était pas encore décollée des chairs, la phalange n’avait pas encore bougé dans le sabot… Enfin, je croise les doigts très fort pour ça!
On sait que le tissu entre les chairs et le sabot est encore en souffrance et prêt à relâcher.
Alors on a quand même recommencé à sortir les moutons… En effet, le stress de l’enfermement peut nous réserver d’autres mauvaises surprises (baisse de défenses immunitaires donc moutons plus facilement malades, troubles comportementaux, rébellion déjà amorcée une paire de fois, etc.).
Mais on ne les sort que deux heures par jour, pas plus, et après une ration de foin (longues fibres, aliment choisi le plus pauvre possible donc sans graines quand on peut, salivation importante avant la mise à l’herbe nocive).
On croise les doigts toujours aussi fort et on surveille.

Pascale a attaqué aussitôt un paddock pour eux, en plantant avec énergie et rigueur des piquets de bois, en fabriquant des jambes de force que les agriculteurs nous envient, et a commencé à tendre les fils puis aujourd’hui le grillage (tandis que Bianca – et Marion? – jouaient du marteau).

D’ici peu, nos moutons pourront à nouveau voir le jour, mais en enclos, et ne pourront plus se déplacer en liberté, ou seulement une heure ou deux par jour, et après une ration de foin, particulièrement au printemps et à l’automne.

Merci à Pascale pour ces travaux titanesques!

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