Quelques rappels.
Elle se nomme Symphonie donc.
Elle est déjà venue au club, il y a quelques années : http://ecurie-alfort.fr/blog/2015/08/02/symphonie-en-rene-majeure/
Symphonie a beaucoup progressé depuis. Le galop reste presque impossible ne carrière : rien que l’idée du galop la met dans un tel état ! En effet, tout exercice qu’elle imagine préparatoire au galop la fait se jeter dans la précipitation, et elle cherche à enclencher ledit galop coûte que coûte (et de fort moche manière). Elle sait (elle l’a découvert sans le vouloir, juste en paniquant) que, ainsi, ses cavaliers cessent l’exercice voire la séance.
Ceci dit, il est probable que des douleurs passées restent en mémoire, et que des gênes occasionnelles ravive sa sensibilité … Entre un passé anxiogène voire douloureux, et les associations d’idées qu’elle a eues alors …
Arrivée ici depuis deux mois à présent, elle ne cesse de progresser. Un maître mot : conserver son calme (le notre, le sien).
Quelques progrès nécessaires …
Au début, le calme dans la durée ? Impossible : elle activait toute une gamme de comportements d’excitation dès qu’elle était dans le doute. Qu’elle trouve que la séance avait trop duré, ou qu’elle imagine qu’on se préparait à la galoper (or, ce n’était absolument pas le cas) ! Zou, en avant ! Piétinements, tentatives d’embarquement à toute berzingue, jambettes rageuses, échappées par tous côtés, arrachage de rênes, etc.
Je vous le dis, il en faut, du self-control, pour ne pas céder à l’agacement, l’inquiétude, le ras-le-bol ou je ne sais quoi, dans ces conditions. Vraiment ! J’admire Olivia, sa cavalière, qui lui conserve depuis toutes ces années, toute son affection et sa croyance en elle.
Et petit-à-petit, on démêle le vrai du faux. Ses fausses excitations, ses vraies inquiétudes, ses croyances, ses rituels, ses colères … Elle a une telle générosité, une telle envie de bien faire quand on la voit par ailleurs, elle croit toujours en nous malgré tout et vient toujours nous voir quand on a un licol à la main. C’est juste si … touchant … Comme si elle rêvait d’une équitation apaisée, qu’elle y croyait avec autant de ferveur que sa cavalière ! Cela ne peut pas laisser indifférent …
Les actions se sont menées sur plusieurs fronts :
- La technique, assurément. Pour nous, avoir une demande très claire et très exigeante de la réponse attendue. Pour elle, ne jamais laisser le doute ou l’à peu près s’immiscer dans sa tête ni son corps. On demande tel type de contact, telle hauteur d’encolure, telle ouverture de nuque, tel angle de son corps par rapport au déplacement, etc. Quand on sait ce qu’on veut, il faut savoir s’organiser, se repérer précisément dans l’espace pour féliciter au plus vite toute bonne (ou amorce de bonne) réponse. Ou à l’inverse se réorganiser au plus tôt pour obtenir notre réponse.
- Le savoir-être, obsessionnellement. Pour nous, rester émotionnellement neutre ou positif quelles que soient ses frasques. Pour elle, n’avoir de repos que lorsqu’elle répond correctement à nos demandes et se sentir alors enveloppée par la bienveillance. En très subtil, il y a cette sorte de présence ou de vide qui se forme en notre poitrine ou notre ventre. Ou encore cette sensation que nos idées sont toujours claires et présentes ou désorganisées voire absentes. Tout ceci augure de la fraction de seconde qui va suivre … et nous laisse le temps de nous réorganiser techniquement.
- Le calme, obstinément. Pour nous, rester centré sur le rythme attendu, l’amplitude de ses membres au sol. En observables, nous pouvons noter sa respiration (sa rapidité étant corrélée à une émotivité montante), la sensation de sa bouche via le contact de la rêne dans notre main (toute dureté ou lâcher annonçant des tensions en cours, la jument se positionnant soit pour la lutte, soit pour la fuite, pauvre titoune), la qualité de la frappe au sol, ou du mouvement propagé en notre bassin.
- Pas le ‘en avant’, oh non, surtout pas, pas encore … Ou du moins pas avec mon niveau de compétences (enfin, au bout de deux mois, on y vient, mais à peine). Chaque transition montante faite en sous-impulsion est littéralement encouragée, récompensée, remerciée. Ses années à fuir dans la panique ou à tout le moins dans la précipitation et la contraction, ça met du temps à disparaître. Le temps qu’il faut.
- La reconnaissance. Pour tout ce qu’elle offre, entreprend, pour tout ce qu’elle tente de changer, fusse-t-elle dans le faux.
Quelques résultats pointent le bout de leur nez.
Et des miracles se produisent. Petit-à-petit. Elle se pose. Elle s’impatiente moins. Elle concède à entamer ce dialogue fin sur sa qualité de relâchement. Elle se laisse prendre au jeu de celui qui aura l’intelligence technique et émotionnelle la plus aboutie (pour le cavalier, la capacité d’intention, d’attention, pour elle, la possibilité d’atermoyer, de répondre à moitié, ou aux neuf dixièmes, ou enfin de juste se fondre dans nos demandes).
Je suis estomaquée, de voir sa capacité de résilience, sa bonne volonté, sa rapidité d’adaptation … Que les années précédentes ont dû lui être bénéfiques, depuis son entrée dans la vie d’Olivia, et surtout, leur entrée dans l’Ecole de Légèreté via Céline Fouquet !
De surprise en surprise.
Mais du progrès, on en a, encore et encore, à chaque séance. Au point qu’on se laisse aller à penser rassembler. Oh, non, pas des heures de travail ni de répétition, non ! Surtout pas.
Comme ça, là, entre deux moments de lenteur incroyable, de précision d’orfèvre, enclencher l’activité énergique, le rein qui s’emploie, les jarrets qui se plient, les épaules qui montent, le pas qui diagonalise, les muscles qui se tendent, le souffle qui s’embrase, mais sentir dans l’instant quand la douce surprise cède la place à l’inquiétude et revenir à la lenteur. Recentrer, apaiser, remercier … Sans savoir jusqu’où nous pourrons aller. Juste cesser avec que son émotion ne s’obscurcisse … Ne pas réitérer sur la séance. Ne pas mettre pied à terre là-dessus, éviter qu’elle ne le prenne en défense pour faire cesser la séance.
Elle enchaine désormais les épaules-en-dedans, travers, appuyers et zig-zags en appuyers en attitude plutôt longue et horizontale ou moyenne, voltes en extension d’encolure. Sans jamais savoir quand je lui demanderai la transition vers le pas ou le trot lent ou le trot énergique. Quelques foulées, quelques dizaines de foulées, elle est prête à tout et n’anticipe plus rien. Elle est juste là, en présence, en accord.
Parfois aussi on peut enchainer jambettes et départs au trot, et dans ces fois-là, parfois, deux , trois voire quatre battues avec du rebond sont enclenchées !
Nous allons continuer, sans savoir si elle cherchera de nouveau à proposer l’agitation si les exercices perdureront un peu plus.
Sans épilogue pour l’instant
Le confinement oblige Symphonie à prolonger son séjour à l’Ecurie Al Fort. Espérons que elle et moi saurons le mettre à profit pour leur faciliter la vie avec sa cavalière ! En tout cas, cela aura été un honneur de découvrir toutes les évolutions de la belle alezane.