Eros, doux et délicat voyage au pays des émotions

Le jeune Eros, du haut de ses cinq ans, a assez peu d’expérience finalement dans le monde des humains. Et surtout, il est très ingénu. Tout l’intrigue, tout l’inquiète, tout l’attire, tout l’intéresse, tout lui semble un petit peu dangereux, tout lui semble surmontable mais il le vit intensément.

La difficulté avec lui, est de garder toutes ses expériences positives, l’encourager sans qu’il le prenne pour une agression (même infime, psychologique), et qu’il garde l’envie de découvrir. De découvrir son futur travail. Mais comment lui donner envie de coopérer avec nous quand son esprit passe son temps à scanner les alentours, le déconnectant régulièrement de nos demandes ?

Alors il se précipite pour répondre trop vite, trop fort, ou trop intensément. Il veut bien faire, mais ne se pose pas, ne croit pas que ce qu’il vient d’offrir est bien, est suffisant. Il faudrait passer toute une vie à le rassurer pour chaque nouveauté (chaque réponse donnée alors qu’il était inquiet).

J’ai connu des enfants comme cela. Je cherche avec Eros comment lui faire ressentir que tout va bien quand il découvre un nouvel exercice (ou quand il obéit à un exercice maîtrisé tout en étant tracassé par l’environnement). Il confond parfois rectification et brimade. Aussitôt, il voudrait ou fuir, ou se lover dans nos bras pour se rassurer de la pression qu’il a perçue. Sans jamais être violent ni dangereux. Sans jamais être de mauvaise volonté – bien au contraire.

Je pensais son débourrage rapide, tellement il est généreux, futé, volontaire. Je me suis trompée (sa propriétaire me l’avait pourtant plus ou moins dit avant de me l’amener : “Prends ton temps avec lui.”, quelle belle prémonition, quelle belle connaissance de son cheval ! ). Il a besoin de répétition pour se rassurer, contrairement à la moyenne des chevaux qui ont besoin de variété pour ne pas se lasser.

Bientôt, quand les bases de l’éducation seront ‘normales’ pour lui, je pense qu’un travail varié lui conviendra en effet. Mais pas là. A chaque fois que je veux attaquer une nouvelle phase de travail, je retrouve l’adolescent paniqué et pas sûr de lui, complètement perdu. A chaque fois que je reviens à des exercices connus, je le sens se détendre et en redemander, prendre du plaisir à répéter ses gammes, à montrer comment il y excelle. Alors on avance à pas comptés. On répète. On ajoute un peu ici ou là. On fait marche arrière au premier signe de stress. On multiplie les pauses.

Chez lui, l’oeil s’agrandit, le corps se tend, l’allure se précipite (ou il cesse d’avancer), il propose des activités dérivatives (flairer des objets, les attraper, regarder au loin), un crottin se présente. Ou un pipi. On a déjà dépassé la mesure. Refuser qu’il revienne énergiquement chercher secours. Tout arrêter. Lui laisser du temps. Laisser son corps s’apaiser. Son cerveau redescendre vers la sérénité. Il est désespérant de peur de se tromper. Il se met la barre trop haut. On dirait Sendre, en pire. Mais il est aussi fascinant de gentillesse et de bonne volonté. Fascinant d’envie de plaire. Une médaille et son revers 🙂

Il sait déjà tellement de choses, il semble avoir toutes les bases pour être monté. Mais son état émotionnel montre qu’il n’est pas prêt. Pas encore. Les allures vives le font flipper dès qu’elles sont demandées. En revanche il se régale si on joue à course-poursuite. Va comprendre Charles 🙂 La notion de joie et de jeu est primordiale pour lui. Elle dédramatise nos demandes.

Je suis vraiment désireuse d’amener ce petit cheval vers le plaisir d’apprendre, qu’il ait ça en lui, que ses doutes se lèvent et que l’équitation ne soit que douceur et partage … Et que sa vie de cheval de club lui apporte toutes les joies qu’il semble s’imaginer de sa vie auprès des humains!

Actuellement, le doux Eros connait tout le travail à l’épaule avec le mors (du fléchi au contre-pli, au reculer et à l’épaule-en-dedans), il sait en liberté se tenir à nos côtés au pas et au trot en se synchronisant sur nous. En revanche, en longe ou en liberté à distance, il s’inquiète vite (même s’il sait fidèlement se mettre aux trois allures, la distance est anxiogène pour lui, et ne pas en tenir compte rend l’exercice de plus en plus angoissant). Il accepte de sortir du club en extérieur, mais nous passons un temps infini à tout explorer.

Il commence juste à accepter les longues rênes qui me permettent de l’habituer à me voir disparaitre derrière lui, et à être dirigé quand même (car son inquiétude liée à notre absence sera la même lorsque nous serons en selle). Les trois premières séances se sont résumées à démêler les noeuds, tenter de le remettre droit, et aussitôt le faire revenir vers moi parce-que me perdre de vue le lançait au trot voire au galop … Là, on peut marcher côte-à-côte à distance voire moi derrière lui si je suis très près de sa croupe. En carrière comme dans le club. Yes !

En parallèle, je continue l’amorce du montoir, en grimpant sur le banc, la mangeoire, les cubes, en passant une jambe, en m’écrasant ventre contre son dos, etc. Mais pour le moment, il ne le tolère que quelques secondes. Ca viendra aussi, à force de câlins dans ces situations 🙂

 

 

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