Quant à Ubac…

Contrairement à sa sœur, la progression que j’ai mise en place avec lui ne lui a pas convenu.
Il a été rapidement submergé malgré le peu d’informations que je lui donnais, paniquant plutôt qu’essayant de comprendre, et ne sachant pas comment revenir au calme, quelles que soient mes attitudes (effacement, voire évitement, désintérêt, présence permanente passive, discrète ou encombrante, ou encore active).

Le rond de longe est devenu sa bête noire en une ou deux séances, aussitôt qu’on a abordé le trot, lui qui y venait avec bonheur pourtant… J’en suis restée abasourdie, désolée, sur le c..
Bien sûr que ce poulain est d’un naturel inquiet, bien sûr qu’il est sensible, réactif, naïf…
Mais de là à se mettre en panique complète et ne plus rouvrir les écoutilles!
Alors?
Où a été mon erreur?

Et pourtant, on ne pouvait nier des progrès permanents, légers, mais au vu de ce que cela lui coûtait en angoisses, cela ne valait pas le coup.
Et pourtant, il a continué à venir se glisser dans le licol avec confiance et envie.
Et pourtant, jamais un mauvais geste, jamais de refus pour le plaisir, seulement cette panique qui lui bloquait le cerveau, lui bloquait les réponses, le jetait en tous sens…

Où a été mon erreur?

Je crois qu’elle a été d’avoir craint qu’il ne devienne trop craintif.
Quand on veut éviter quelquechose, on tombe dedans parait-il… Alors j’ai fait tomber Ubac dedans.
Sans erreur technique, sans erreur éducative, avec une progressivité exemplaire, en prenant des précautions, tout en ne ‘prenant pas de gants’ exagérément (oh si, une bonne paire, au cas où il tire de trouille), etc.
Pas assez cru en lui.
Ou plus exactement, trop laissé s’installer ce stupide sentiment d’affliction à chacune de ses paniques désespérées.
Perte de temps, perte d’énergie, rien de bon, ou trop peu…

Alors j’ai changé ma façon de penser à lui:
– au lieu de le voir stressé par un cavalier maladroit dans son futur, manipulé par des gens sans scrupules et sans tact et de m’inquiéter pour son avenir,
– je l’ai imaginé serein sous les ordres d’un cavalier lambda, confirmé, accomplissant des ‘miracles’ pour faire plaisir, et provocant une reconnaissance infinie chez son cavalier.

Je lui ai aussi fait goûter au merveilleux mélange de Fleurs de Bach, le Rescue (devenu le 112 je crois) avant chaque séance, afin que ses inquiétudes restent de simples inquiétudes, et qu’il reste capable d’écouter, de vraiment entendre ma réponse à sa crainte (comme un baisser de chambrière, un ordre plus facile, une incitation à la remise à zéro des émotions)
au lieu de fuir cette réponse (eh oui, un geste maintenu ou un nouveau geste, quel qu’il soit, n’arrangeait rien, il ne me laissait aucune marge de manœuvre, et comme je ne connais pas personnellement Harry Potter, je ne pouvais disparaitre d’un coup de baguette magique pour l’aider à se tempérer ).

J’ai changé les codes de travail en longe:
– j’ai abandonné les données scientifiques disant qu’un cheval qu’on vise de la chambrière et du regard en liberté a le cœur qui bat trop fort, tant pis, on échouait de toute façon,
– j’ai adopté les codes de M. Karl (présence permanente du stick vers le cheval, plus ou moins levé en fonction de l’énergie attendue en réponse).

Aussitôt que les codes en longe ont été acceptés avec pas tant de dégâts que ça (quelques incompréhensions, quelques faux mouvements, donc quelques arrachages de longe), et qu’il a trouvé un cadre de travail plus rassurant dans des indications permanentes de position, j’ai sauté un cap en le travaillant aux flexions en main de M. Karl.

Je l’ai aussi gardé en main durant tout un cours, l’obligeant à supporter ma voix quand je criais des conseils aux cavaliers à l’autre bout de la carrière, bougeant et gesticulant mes ordres, en demandant à Ubac de ne pas y répondre, ou du moins de se remettre derrière moi, de se faire oublier. Et une deuxième fois, où il s’est déjà montré plus serein, ne répondant cette fois qu’aux gestes lui étant spécifiquement adressés.

Les progrès sont phénoménaux en regard des précédents.
Mais encore trop récents pour crier victoire, bien sûr.
Il semble avoir pris confiance en lui, il semble être redevenu simplement sensible, naïf et réactif.
Nous avons même attaqué le galop – quelques foulées – sans qu’il cherche à franchir le rond de longe, sans qu’il me fuie (exercice: quel est le temps de conjugaison des verbes chercher et fuir dans cette phrase?); il revient même en confiance vers moi avec très peu d’hésitation 🙂

A ce propos, son propriétaire m’a raconté qu’un jour où il avait vu un Ours rôder de par chez lui, Ubac était revenu avec une très longue plaie en travers du poitrail, une plaie bien trop nette, ressemblant à un coup de cutter et non à un accroc banal sur un objet pointu…
Ubac avait peut-être appris ce jour-là qu’on a de sérieuses raisons de craindre pour sa vie quand on est un cheval face à un prédateur gesticulant… Des fois, mieux vaut détaler coûte que coûte qu’essayer de comprendre ce que l’autre veut dire, hein!
Si seulement il pouvait appliquer cela aux fils de clôture, il ne se prendrait pas le jus trois fois par jour… 😐

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2 pensées à propos de “Quant à Ubac…

  1. je dirais que les verbes “chercher” et “fuir” sont conjugués au subjonctif présent car précédés d’une locution conjonctive “sans qu'”

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