La toute jeune ponette Shetland noire à longs poils blancs (si, ce n’est pas une blague … ) est arrivée à l’écurie ce mercredi. Motif : passe les clôtures encore et encore chez elle, alors que les propriétaires sont actuellement indisponibles. Bref, un gardiennage ponctuel de confort.
Elle a à peine trois ans, elle a encore des dents de lait, et elle est grande comme trois pommes, gestante jusqu’aux yeux, intelligente au possible et charmeuse comme on en fait peu.
Elle venait d’un élevage où entiers, femelles et bébés vivent mélangés. Donc personne ne connait le père de son poulain à naître ni la date de saillie.
Elle avait littéralement choisi ses propriétaires actuels en les suivant de si près et avec tellement d’insistance qu’ils ont fini par la prendre elle au lieu du poney initialement prévu.
Revenons à nos moutons ; la voilà arrivée chez nous. Nous acceptons bien entendu le fait qu’elle puisse mettre bas chez nous avec tous les risques que cela inclut. C’est une ponette primipare, donc qui n’a jamais eu de bébé avant. Nous savons de fait que les risques de perdre la maman ou le bébé sont plus élevés, qu’elle n’aura sans doute pas les signes avant-coureurs de la mise bas, etc. Nous savons aussi que depuis 5-6 ans, les éleveurs de toutes races signalent que les mises bas sont plus à risque qu’ils n’ont jamais connu, même dans leur propre cheptel bien rôdé.
Guimauve arrive mercredi. Effrontée, elle découvre son environnement avec les yeux un peu écarquillés mais sans faillir ni tressaillir. Et comme décrite par ses propriétaires, elle est pot-de-colle en diable. Elle fait le tour de tout, n’évite rien ni personne, et teste tout ce qui est testable du bout du nez et du bout des dents. Elle est fort gestante, mais pas énorme (en pleine croissance elle-même, elle ressemble vraiment à un trois ans). Nous la mettons à l’herbe plutôt qu’au foin pour stimuler la prise de poids et la montée de lait si besoin est. La nuit, zou, à l’étable pour ne pas risquer une échappée belle. Le lendemain, hop, à l’herbe et aussi un peu avec Fly quand nous ne pouvons la surveiller (nos clôtures sont … dissuasives, vraiment).
Nous découvrons un ulcère sur sa cornée, mais son oeil ne pleure pas, n’est pas fermé, rien. Le vétérinaire vient dès le jeudi matin regarder cela. Il est ancien (pas le vétérinaire, l’ulcère, suivez un peu !) et a pu passer inaperçu sous l’épaisse touffe rasta de la belle.
Il ausculte la belle. Pas de lait en route dans la mamelle, pas de vulve allongée. Et pas de croupe qui ‘se casse’ (les ligaments du bassin doivent se relâcher, les os du bassin devenir comme mobiles et libérer aussi le sacrum, bref, l’arrière doit devenir instable pour laisser passer le bébé). Rien ne prédit une mise bas imminente.
Nous sommes plusieurs à sentir le bébé bouger lors des grattages. Cela me rassure, il n’est pas encore bloqué dans la position du poulain prêt-à-sortir. D’ailleurs, on voit ici et là la ponette galoper à fond dans les montées et sur le PTV.
Deuxième nuit à l’étable, Guimauve est gavée d’herbe, de découvertes et de galopades. Elle n’a aucun intérêt pour le foin laissé à son attention. Nous la laissons à ses rêves tumultueux. Du moins nous le croyons. En réalité, c’est une toute autre histoire qui se joue déjà.
Quand nous arrivons au petit matin du vendredi, Guimauve est couchée. Nous n’osons la déranger, je ne la guette que par la lucarne de la porte. Cinq minutes après je la vois couchée ailleurs. Mmmh … c’est vraiment anormal. Pareil cinq minutes après et je la vois se lever dans la pénombre. Queue levée … Mmmmmh …oh non ….
Conseil de guerre. Appeler le véto pour se faire rappeler les consignes. Rentrer au risque de lui faire repousser la mise bas ? On hésite. C’est Pascale qui m’y incite. Oh combien elle avait raison !
Guimauve m’accueille avec un hennissement d’immense soulagement. Elle semble perdue. La tête du bébé est déjà apparente, un antérieur aussi, l’enveloppe est déjà déchirée.
Je soulève mieux la queue pour trouver l’autre antérieur, la pénombre n’aide pas. Oh non … Le bébé est déjà mort … Rappeler le véto, M. Deroubaix, qui annonce arriver de suite bien sûr. Nous rassurons Guimauve tant bien que mal, lui expliquons qu’on va devoir sortir manu militari ce bébé qui n’a pas su sortir ses deux antérieurs tout seul et s’est retrouvé coincé là. Nous la couvrons aussi car elle a froid, elle est en hypothermie.
Le vétérinaire arrive et délivre Guimauve. Tout ira bien. Le placenta est entier, la jument n’est pas abîmée de l’intérieur. Il décrit son bassin comme trop étroit. Les.ligaments ne se sont en fait pas distendus.
Guimauve a été accompagnée durant son deuil, le lait qu’elle perdait désormais par gouttes ou jets a été coupé de manière chimique. Elle a été mise sous couvertures jusqu’à ce matin et traitée pour les bleus du corps et de l’âme.
Hier, Séverine Deretz, ostéopathe, l’a manipulée. Guimauve avait des tensions énormes dans les lombaires et le bassin, trahies par une rigidité du dos et sa boiterie du postérieur, datant d’avant la mise bas. Ces vieilles tensions traumatiques – et émotionnelles – n’ont pas permis au bassin de laisser passer le poulain.
Depuis la manipulation, Guimauve est plus détendue. Mais toujours aussi têtue quand elle décide qu’elle ne veut pas aller ici ou là ! Allez la belle, courage … Petit coeur de Guimauve …