Je me permets une réaction suite à un commentaire récent, qui n’est que le reflet de ce que je lis et entends si souvent concernant les chevaux et les couvertures.
Vous avez d’un côté les personnes qui tondent/couvrent/sursurcouvrent leurs chevaux pour leur bien à toute force tout l’hiver.
Et de l’autre ceux qui assurent qu’un cheval ça se débrouille, et que dans la nature ils n’ont pas besoin de nous.
Alors, qui a raison?
Personne bien entendu. Personne ou les deux, cela dépendra du cheval considéré.
Si vous pensez que tout cheval rêve d’être couvert, c’est faux. Si vous pensez que tout cheval n’a pas froid ou pas besoin d’aide, c’est faux aussi.
Votre cheval n’a pas besoin d’être couvert très probablement si:
– il a du foin de bonne qualité à manger à volonté (la digestion produit de la chaleur dans le gros intestin)
– son sous-poil est sec (ce qui est presque toujours le cas, il suffit de vérifier en soulevant délicatement le poil)
– il ne tremble pas, n’a pas le rein voussé, ne garde pas la queue plaquée des jours durant
– il peut se mettre à l’abri du vent et de la pluie, voire se coucher sur du pas trop trempé
Votre cheval a besoin d’être couvert (ou rentré) très probablement si:
– il est tondu
– il tremble facilement
– son sous-poil est trempé
– il n’a pas accès à des abris
– le foin est en accès limité
– le vent, la pluie et le froid se sont ligués
– cela fait longtemps qu’il garde les postérieurs en avant de la pointe de fesses, la queue plaquée
– il a l’oeil éteint (il est sans doute en hypothermie voire en état de choc, ou déclenche des coliques liées au froid)
– il a de l’arthrose
– etc.
Mais il a aussi besoin d’être le plus souvent possible découvert pour se gratter, se déplacer, se rouler, jouer, entrer en contact avec le vent, le froid, le soleil, la pluie, les autres… se sentir cheval, quoi.
Et pourquoi donc que mon cheval il ne vaut pas un cheval sauvage, hein?
Ben… parce-que ce n’est pas un cheval sauvage.
Non.
Désolée de casser le mythe…
Il n’est pas issu de plusieurs générations de chevaux sélectionnés pour leur résistance au froid. Non.
(parce-que, oups je vais vous fendre le coeur, les poulains, avec les grands froids, ben ils meurent, et seuls les survivants feront des bébés, résistants au froid donc, etc. C’est affreux hein? mais c’est la sélection; rappelez-moi combien de poulains ont été sélectionnés par ce biais dans la lignée de votre vénérable très cher Kiki-damour?).
Peut-être même qu’il a été sélectionné sur sa bonne gueule ou ses bonnes performances à l’obstacle… et ça va l’aider en quoi à se réchauffer efficacement, ces gènes-là, hein? Mmmmh?
Il ne choisit en outre pas les plantes dont il a besoin, les espèces de plante qu’il lui faut, poussant sur le sol riche en tels ou tels éléments minéraux dont il a besoin. Pour ça, il lui faudrait changer de versant de colline, aller en plaine ou plutôt côté chênes ou alors non, pour le fer, plutôt sur les abords de telle montagne, etc.
Non, Madame, non Monsieur, Kiki-d’amour mange le foin issu d’une seule prairie (donc d’un seul sol, avec ses excès et ses carences en nutriments) et le grain qu’on lui donne, enrichi en éléments minéraux qu’on a décidé pour lui.
Il ne décide pas non plus du lieu où il va passer l’hiver pour mieux se nourrir et s’abriter, sur ses 300 hectares de domaine vital.
Ni du sol sur lequel il va se coucher.
Ah oui, on en parle des conditions de vie du cheval sauvage et de celles du cheval domestique? Combien d’hectares avez-vous à lui offrir, rappelez-moi, à votre merveilleux équidé? Un hectare? Trois? Six? Quand il en faudrait… quelques centaines… pour oser prétendre qu’il a les conditions de vie d’un cheval sauvage et qu’il peut lutter seul contre le froid (avec des vrais morceaux de génome robuste).
Non, chez nous, il ne décide pas de se mettre hors boue, sur de la mousse drainante par exemple, ou un tapis d’aiguilles épais, sans être enfermé entre trois murs (murs qui le protègent mais l’empêchent de voir venir les prédateurs, donc murs qui le font fuir parfois de cet abri douillet pourtant conçu pour lui, espèce d’ingrat!).
Alors?
Ben alors on est juste des humains avec des chevaux qui ont peut-être besoin de nous en climat hostile, ou peut-être pas.
On relit :
On cherche les nouvelles publications scientifiques à ce sujet (et pas les on-dit)
Et on regarde son cheval, son attitude, le relâchement ou non de ses muscles, son regard, la position de ses membres, de sa queue, de son rein et on fait en son âme et conscience…
Les chevaux frileux ont prouvé chez nous qu’ils pouvaient l’être moins voire plus du tout. Je n’ai toujours pas compris pourquoi. On veille juste à ce qu’ils mangent un maximum de foin durant les mauvaises périodes, plus qu’avant encore.
Donc ne me demandez pas ce que je pense de la situation de votre cheval: en réalité, je n’en sais rien. Sincèrement.
Vous voyez le climat qu’il fait, moi je n’habite pas chez vous.
Vous voyez l’aspect de votre cheval, je n’ai aucun pouvoir surnaturel pour le voir par vos yeux.
Vous savez ce qu’il mange, où il peut s’abriter, etc.
Ne vous fiez pas à votre notion de froid ou de chaud. Même chez les humains, à température égale, certains ont froid et d’autres ont chaud. Vous n’aimeriez pas qu’on vous déshabille quand vous vous gelez, ni qu’on vous habille quand vous avez chaud… ce n’est pas une question de température, mais de thermostat personnel.
Cessez de vous fier à votre entourage. Apprenez à voir, à lire votre cheval.
Vous avez votre expérience à faire. Vous vous tromperez, c’est normal.
Ou encore vous pouvez faire comme tout le monde autour de vous: couvrir tout le temps ou ne jamais couvrir.
Dans les deux derniers cas, si vous le faites d’office sans jamais contrôler sérieusement, vous avez de fortes chances pour être parfois maltraitant, même en étant gentil et de bonne foi. C’est à vous d’assumer. Si la maltraitance est rare et brève, ce n’en est pas.
On a le droit de se tromper, on a le droit de ne pas pouvoir, exceptionnellement, faire au mieux, faut pas exagérer…
Si votre erreur de jugement (ou flemme ou je-m’en-foutisme) est récurrente et longue en nombre de jours, c’est de la maltraitance…
Les chevaux n’en meurent pas, ne protestent pas, mais ils en souffrent…
Tenez, pour ceux qui n’ont pas eu la chance de lire cet article:
Des chevaux ont appris à utiliser des symboles pour indiquer leurs préférences de confort thermique
et dans une autre version de la même étude, intéressante pour les anecdotes: