♦ Première sortie en selle avec Agadir.
But avoué de la sortie: découvrir à quelle occasion ce cheval se met debout, et comment.
Objectif si le but précédent est atteint: obtenir dudit équidé qu’il garde les quatre pieds près du sol avant d’envisager de rentrer au club.
Espoir lié à l’objectif: qu’en commençant en début d’après-midi, on soit rentrés avant la nuit…
Variante dans l’objectif: si ça dure trop ou est trop dangereux, mettre pied à terre et obtenir la même docilité qu’entre l’étable et le paddock avant de rentrer.
Espoir lié à la variante: qu’en commençant en début d’après-midi, on soit rentrés avant la nuit…
Nous passons par le village.
Je sens, dès les premières maisons, un franc report du poids d’Agadir vers ses hanches. Je me dis “Ah ben y’aura pas besoin d’aller bien loin!”. Route peu circulante, proche du club. Si ça tourne mal, je peux même demander à tout instant qu’on m’amène un licol (à pied, il est parfois inutile voire dangereux selon les défenses de travailler sur le mors), des friandises pour lui, des barres énergétiques pour moi, un verre d’eau… 🙂 Conditions de travail de luxe!
Mais non. Ce n’est pas pour de suite. Caresses. Il avance finalement mieux, sans que je le sollicite, et je me dis qu’il a en fait de suite senti quelle experte il avait sur le dos. 🙂
♦ Point critique
Nous dépassons le cimetière de 200m. Je lui demande quelques épaule-en-dedans, des quarts de tour sur les hanches, sur les épaules, aux deux mains puis lui fais faire demi-tour: fin de la balade, R.A.S. (Rien A Signaler).
Il est docile sur les premières foulées en direction des écuries.
Puis plus rapide. Puis trop rapide.
Puis je ne sens pas bien s’il marche ou trotte? Oups, il doit diagonaliser, j’ai déjà connu ça : on est mal les gars, ça sent le trot furieux ou en crabe et l’excitation ingérable à plein nez…
Et on n’a même pas atteint le cimetière! 🙁
J’ai déjà un train de retard s’il y a un risque de cabrer: il aurait fallu le mettre au travail dès l’accélération du pas, voire dès le demi-tour… Bon ben on va bien voir, on y est, dans le but recherché; oh oui, pile dedans!
♦ Panoplie de cabrers
Demande polie de ralentissement. Il s’arrête trop bien, et même refuse le contact avec le mors (pas bon les gars!), je cherche les friandises pour le remercier de cet arrêt. En effet, voix et caresse l’ont laissé indifférent, il est ailleurs…
Pas le temps de fouiller ma poche: il s’assoit presque et lève haut la tête. Ah, ça, c’est un bon début…
J’oublie les friandises et reprends mes rênes, mais là aussi, pas le temps de les ajuster. Il a un peu levé les antérieurs, doucement, à peine, merveilleux équilibre, magique instant d’apesanteur… Il pose les antérieurs, tandis que je me demande ce qu’il va faire: partir en trombe ou rien. Je m’apprête donc à lui demander soit de tourner vivement, soit de démarrer.
Mais il ne fait rien de tout ça: sitôt les antérieurs au sol, il hésite puis s’assoit mieux et se met en pesade! Fichtre, ça alors, m’y attendais pas! Je ne me suis pas recoiffée ni remaquillée, où est le photographe?!! Rhôôô, ça devait être trop beau!
Cette fois, je me dis que le but est atteint; c’est bon, je sais ce que je voulais savoir. 🙂
Ce cabrer est très doux et très facile à gérer. Il repose les antérieurs au sol. Ces propriétaires exagèrent toujours, il ne me faudra que… tiens, il a l’air de réfléchir? qu’est-ce-que…
Ouafatchede! Il m’a sans doute demandé si j’étais satisfaite de lui…
…et devant mon mutisme, il a donc proposé plus fort: cette fois il ne s’est pas reporté en position assise, mais nous nous enlevons dans les airs, il est… vertical! Je me jette à son encolure d’un bras et de l’autre, j’agis en grande et puissante rêne d’ouverture pour le rabattre au sol par flexion d’encolure (surtout, ne pas tirer sur sa gencive, ne pas lui faire mal, pour qu’on ne se retourne pas sous sa douleur!). Pfff, la Haute Ecole, j’aime ça, mais quand même…
Pas le temps de me remettre de mes émotions, de me demander que faire, qu’il me ressert déjà la même figure sitôt posé au sol, et que je lui ressers la même traction latérale, mais cette fois avec toute mon assurance: chez moi, l’effet surprise n’est plus là.
[Décidément, ces propriétaires connaissent bien leurs chevaux! comme toujours! ;-)]
Et dès lors, “Mon gars, fini de me poser des questions et de m’imposer tes réponses, c’est moi qui mène la barque à nouveau, tu veux interagir, on va interagir! Mais à ma sauce…” 😈
♦ De l’art de chercher l’exercice contrariant
Tu ne veux pas t’arrêter? Ok, alors on va avancer mais dos à l’écurie! Demi-tour donc mon gars!
Tu ne veux pas avancer dos à l’écurie, tu t’arrêtes et t’assieds pour…? Ok, alors tu reportes ton poids sur les épaules et bouges grâce à un seul exercice: demi-tours incessants sur les épaules (hanches chassées) jusqu’à ce que tu me supplies de te laisser souffler même dos aux écuries. Mais tant que tu protestes, tu tournes sur place.
Tu veux t’arrêter en le demandant poliment? Ok, mais dos à l’écurie. Si de dépit tu t’assieds ou lèves l’encolure, je te remets sur les épaules, plié en deux, à tourner là comme un imbécile…
Alors? Mouais, moi aussi je crois que l’arrêt les pieds au sol, ou le mouvement sans discuter, c’est mieux; tiens, mange donc un peu de grain dans ce cas pour que tu l’apprécies à sa juste valeur, nigaud 🙂
Etc.
Je ne vous détaille pas tout, il a tenté moult fois de prendre la main pour rentrer, il a réfléchi moult fois pour savoir s’il se remettait debout ou se contentait de chauffer, mais je n’ai toléré ni l’un ni l’autre. Nous avons piétiné le bitume en rond en maints endroits (les fers, ça marque!), flirté avec les fossés, soufflé bien souvent quelques secondes (toujours récompensées d’une friandise pour ce bref moment de rien). Le tout sans jamais être vraiment irréfléchi ni dangereux…
Je remercie vivement et chaudement les conducteurs de véhicules à moteur de n’avoir pas emprunté cette route durant tout ce temps.
♦ Epilogue
Le retour n’a ensuite été qu’une formalité. 🙂
Agadir avait été un amour en main entre le paddock et l’étable, monté dans la carrière et il a été un ange en main entre l’étable et le paddock. Très mignon ce petit cheval. Un peu vif quand même parfois, s’il est contrarié… 😉
Je l avais bien dis!!!
Et du coup, vous êtes revenus à quelle heure ?
Hé bien écoute, ce n’était vraiment pas ‘si pire’: la distance parcourue aller-retour nécessitait 20mn au pas, or nous n’avons mis que 45mn à l’effectuer 😉