♦ Reprise du travail : ça coince toujours pour prendre le galop
Ubac a recommencé à travailler hier, pour la première fois depuis sa manipulation avec l’ostéopathe.
Il est venu volontiers, était ravi de retrouver l’étable, le pansage et même les petits exercices qui font gagner du grain. Zou dans le rond de longe.
Raisonnablement, je le sollicite uniquement sur les exercices où il excelle. Spontanément, dès qu’on aborde le trot, il secoue la tête et s’étonne de l’avoir fait, le refait, se rend compte que ça ne me fait pas réagir, qu’il n’est pas en danger à me perdre de vue une fraction de seconde… Alors chaque départ au trot le met en joie, nos demi-tours l’amusent, etc.
Bon. Jusqu’ici, tout va bien.
Je l’incite à prendre le large et à se défouler sur la piste. Escomptant un départ au galop dans la bonne humeur sans s’en rendre compte… Sur les premières foulées d’un bon trot, sa joie est bien là, enivrante.
Mais très vite, en moins d’un tour, son regard change, sa tonicité devient raideur, alors zip, je change de sujet et lui demande de venir vers moi en le félicitant chaudement et en redémarrant sur d’autres exercices qu’il aime. Sa joie revient.
Je retente plus tard de le laisser prendre de la vitesse (et qui sait? le galop?) loin de moi, il s’applique plus qu’il ne joue puis rapidement son regard plein d’espoir se tourne vers moi, je reçois sa question de plein fouet: “J’ai bien fait là ? Dis, dis-moi que j’ai bien fait !”. Je le rappelle illico, il vient prendre sa friandise, mais il a l’air épuisé, absent, il ferme les yeux sous les caresses… Il n’a pourtant pas forcé physiquement…
Mon pauvre bonhomme, quel stress encore une fois, pour ce tour et demi au grand trot, quelle générosité, tu as visiblement tant pris sur toi… Alors oui, merci, merci…
Nous refaisons des exercices qu’il connait et apprécie, puis je lui fais passer une barre d’obstacle deux ou trois fois à ma suite, histoire de mettre de la nouveauté; mais pas plus: qu’il n’ait pas le temps de s’inquiéter.
Et nous faisons un final dans la carrière en liberté, je pars à fond sans le prévenir et il hésite puis me rejoint à toute vitesse (mais pas au galop); ses yeux pétillent à nouveau… Fin de la séance.
♦ Changer la donne ?
Il m’aura fallu des jours et des jours de réflexions…
Des semaines même.
[Oui bon, sans commentaire, les petits malins…]
En effet, ce cheval panique dès que je lui demande le galop en rond de longe (et persiste dans ma demande jusqu’à l’obtenir). Hors du rond, je ne le tente même pas : je suis sûre de finir avec un cheval en liberté et traumatisé, une main brûlée par la longe. Libre dans le rond et sollicité, c’est comme s’il se tétanisait dès qu’on dépasse le bon trot: il en arrive parfois à s’asphyxier… son souffle se transforme en râle… 🙁
Mais au fait… pourquoi faudrait-il lui inculquer la prise du galop sur commande en rond de longe ? ou en longe?
Pourquoi faudrait-il que ce soit moi qui le pousse au galop tel le prédateur traquant sa proie? (enfin, c’est ainsi qu’Ubac voit les choses: moi, je ne me trouve pas prédatrice du tout; enfin, l’ennui, c’est que c’est lui qui décide de sa façon de me cataloguer!)
Pourquoi faudrait-il faire comme avec tous les chevaux, puisque cela ne lui convient pas?
J’avais décidé d’utiliser l’éducation de sa sœur pour lui inculquer cette partie du dressage. Les mettre ensemble dans le rond de longe et la faire obéir elle. Cependant, j’avais essayé : il paniquait quand même, moins vite, moins fort, et en se planquant derrière elle par rapport à moi… Il avait fini par faire s’inquiéter sa sœur… 🙁 Je compte reprendre cette idée pourtant. Comment, je ne sais pas, peut-être en carrière plutôt qu’en rond de longe. Mais cela, je l’ai essayé aussi, et ils partent en tous sens. Avec quelques essais de plus peut-être?
♦ Innovation délicate
Ce matin, j’ai pris Ubac au rond de longe. Il s’est de suite mis au travail avec des mouvements joyeux d’encolure. Alors…
Alors pourquoi pas…
Cette idée saugrenue de n’être plus le dominant mais le compagnon de jeu…
Dangereux cependant car en excitant leur énergie, les chevaux ont vite les pieds qui volent en tous sens, ils nous toucheraient comme ils touchent amicalement un copain (de ces touchettes qui vous jettent direct dans l’ambulance, n’est-ce pas Alice, avec Whisky, il y a quelques années?).
Or, il n’est pour autant pas question de menacer Ubac préventivement, le risque de le voir fuir et paniquer est trop grand. Pas question de détruire une rare part vierge de confiance naïve…
Je nous mène dans la carrière, je le lâche. Je lui dis (si, bon, quand on n’est pas rassuré, on a bien le droit de parler à son cheval, non?): “Mon gars, si tu galopes, je te fiche la paix, ça marche ?”
J’ai le stick bien en main. Il me servira, en le gardant derrière moi, en l’agitant un peu tout le temps, à inciter Ubac à ne pas venir me cabrer dessus par derrière comme il le fait parfois avec sa sœur dans le feu de l’action. Je n’ai pas envie de finir toute plate dans le sable. J’ai, je l’avoue, un léger nœud à l’estomac. Heureusement, le club est calme, rien ne va détacher notre attention l’un de l’autre.
♦ On ‘remonte’ la bête, et on lâche le tout…
Quelques exercices de ‘Suis-moi, même quand je fonce, que je vais très doucement ou que je fais demi-tour’. Je monte dans la rapidité d’exécution, il est vite hystérique… Il s’éclate. Il rêvait de jouer. Sa tête vole en tous sens, ses demi-tours commencent à sentir la ruade ou le saut de mouton.
Pour ma conservation, je décide qu’il est temps de changer de jeu, et je file droit devant sans l’attendre, à toutes jambes. Coup d’œil rapide derrière moi : oui il a enclenché sans hésiter, il est même… au galop! 🙂
Plus il se rapproche, plus son galop est enlevé des antérieurs… Hum, va falloir faire un truc là, sinon je vais l’avoir sur les épaules!
Dès qu’il a la tête presque à ma hauteur (il a les yeux fous qui brillent; oups… mais je suis ravie pour lui!), son galop a changé, et je crains alors plutôt le célèbre quart-de-tour-ruade en pleine face, je fais brutalement un crochet suivi d’un demi-tour/arrêt. Lui aussi; coup de frein à la limite du cabrer, il est surexcité, il crève d’envie qu’on continue, il veut sauter, courir avec quelqu’un, bousculer, se faire bousculer, faire des acrobaties en chœur…
Retour au calme prudent. Friandises, caresses.
Et je refais. Lui aussi. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il n’hésite pas une seconde. Je suis devant, je cours donc il pense que je suis moi aussi surexcitée (à court de souffle et en nage serait plus exact), et il se met à l’unisson de cette folie…
A chaque fois, il me double un peu et se ramasse (non, il ne se gauffre pas, ni ne se prend une galte, pas plus qu’il ne se rèche: il se compacte pour mieux se détendre dans une ruade ou un saut).
Ou encore il reste derrière et se grandit, me colle pour galoper dans mes pas, sur mes talons, sur moi…
Mon voyant ‘danger’ est au rouge vif en permanence.
Le stick est là et je prie pour qu’il le voie, le respecte (donc ne me bouscule pas), mais surtout qu’il ne cherche pas à le taper.
Quand il me passe à côté, je cède souvent juste assez de place (notion très très dure pour moi) pour m’assurer un freinage sans me le prendre dessus – oui car monsieur se tournant vers moi dans l’arrêt, j’ai craint qu’il ne gère pas l’espace et tourne en se rapprochant trop, bref en m’écrasant…
Je suis quand même aux anges. Et sans souffle. On a abordé le galop sans panique. “Comme promis, tu as galopé, on rentre mon gars, de toute façon j’en peux plus”.
Maintenant reste quand même à trouver la transition entre ‘tu me cours derrière’ et ‘tu galopes tout seul quand je le veux et aussi longtemps que je le veux’. 😐
♦ Quand on en veut toujours un peu plus
Dernière idée farfelue avant de le ramener. Le galoper hors carrière…
Je sors de la carrière en trombe, il commence par me suivre joyeusement mais il évite le rouleau, puis se rend compte que Nestor se lance dans la joyeuse sarabande de l’autre côté de la clôture, que sa sœur monte en pression dans son paddock… Il n’est plus avec moi. Il a repris son trot de stress. L’excitation est là, mais de tension, pas de gaieté insouciante. Deux tentatives plus tard, j’abandonne l’idée du galop, et me contente d’une amélioration de son attention.
Game over avant que ça ne tourne vinaigre : il est quand même totalement libre, pas une clôture pour l’arrêter, et les poneys commencent à galoper en tous sens dans leur paddock. 😈
Il rentre dans l’étable à ma demande, encore tout tourneboulé par ces nouvelles expériences.
Je pense que ses rêves seront des rêves sans cauchemars cette fois-ci… 🙂
Idée saugrenue, s’il en est dans ce club, pourquoi ne pas tenter le galop en liberté dans la carrière avec un cheval plus routiné que sa soeur? Un du troupeau avec lequel il pourrait avoir un minimum d’affinités sans qu’il ne se fasse trop tarter dans le feu de l’action et qui servirait d’exemple ?
J’ai toujours eu l’impression qu’Ubac était insensible aux autres chevaux. Et avec qui puis-je risquer de le mettre, de but en blanc, pour direct faire du travail en liberté? Seule ma jument est fiable, mais le coup de pied du Mérens est puissant… Et ma jument est tout sauf coopérative avec les étrangers. Même quand elle est en chaleur. Quoi que: si elle est amoureuse… A creuser lorsqu’elle sera d’humeur. Ou alors, et j’y pense depuis un moment déjà: j’intègre Ubac au troupeau…