Soyons bien clairs: ce qui va être dit ici est exprimé à ma sauce, c’est le reflet profond de ma pensée, mais cela a été plus joliment et plus nettement exprimé par Monsieur Karl, et sans doute avec des nuances que je n’ai pas saisies. Ce ne sont donc ni sa pensée ni sa conviction exactes que je vais transcrire ci après, bien que je ne doive pas en être extrêmement loin…
En équitation, il est mal vu d’avoir des mains qui bougent en tous sens, qui montent ou qui agissent fort sur la bouche du cheval.
Mais alors du coup, on nous enseigne à ne pas bouger les mains (donc nos doigts, bras et épaules se figent).
Et forcément, on garde alors les mains bien basses, pour ne pas se faire remarquer par le moniteur.
Et puis surtout, pour tourner et freiner, on agit très très fort sans presque bouger les mains, tout crispés sur nous-mêmes, à la limite de l’asphyxie musculaire et respiratoire, et quand on est cramoisi et au bord de la crampe, on est tout content d’avoir enfin parfois été obéi au bout de 20 secondes…
Et puis à un moment, tôt ou tard, on craque et on fracasse la bouche de ce crétin de cheval qui décidément n’y comprend rien et ne veut jamais faire le moindre effort! (oups, j’ai pas dit ça? ah si? ah bon… non parce-que quand même, c’est pas bien de révéler ce qui se passe dans les vestiaires!)
Donc, cette équitation du “faut-pas-bouger-les-mains!”
– ne permet pas d’expliquer au cheval, par des gestes adaptés/adaptables à la situation (cheval en calme plat, panique, résistance, canaille, lourdaud, fuyant…) et au niveau de dressage (poulain, vieux routard, jeunot) ce qu’on veut qu’il fasse de sa tête et donc de ses jambes qui suivent bêtement derrière.
– nous fait agir vers notre braguette ou vers nos genoux, c’est-à-dire de façon à ce que le mors appuie sur les barres (donc sur l’arête fine de la mandibule inférieure) et écrase la langue, donc de façon douloureuse – si, écrasez-vous la langue, vous comprendrez vraiment!
– donne l’impression d’en avoir eu plein les bras, d’avoir travaillé dur et fort, bref, donne de beaux muscles de gonflette (je sais de quoi je parle, j’en étais super fière).
Or, les mains doivent dire les choses.
Elles doivent écouter, protester, encourager, refuser, guider avec délicatesse…
Imaginons une seconde qu’on monte sans toucher à la tête du cheval… Je vous mets au défi, sans jamais agir sur l’avant de votre poulain, de vous en faire comprendre, respecter et obéir…
Les mains sont là pour guider le cheval et lui mettre des limites.
– Si les limites sont mal exprimées, exprimées sans articuler, en grommelant, en mhmhmant, en marmonnant, en oubliant quelques voyelles au passage, en utilisant des mots dont le cheval n’a pas la définition, en shuintant…
– Ou si les limites sont dites douloureusement,
– Alors il parait logique que le cheval soit s’y résigne en se comportant en autiste figé et muet (regardez leur œil triste en reprise), soit s’en défende (rhââ les sales bêtes, revendons-les ces incapables!).
Pour dire des choses, les mains doivent
– voler, courir sur les rênes, pour être de suite à la longueur efficace
– agir rapidement toujours avec délicatesse, mais sans jamais hésiter une seconde à en arriver à agir fortement – je dirais: efficacement pour être plus exact – si elles n’obtiennent aucune réponse (mais sur la commissure des lèvres sur laquelle l’action est désagréable mais non douloureuse),
– de suite dire merci en cessant toute pression à la moindre bonne volonté du cheval
– savoir ce qu’elles ont à demander, ce qu’elles peuvent exiger, quand elles doivent remercier,
– ne pas parler/se taire (au sens geste actif, pas au sens verbal), ne pas gêner le cheval, se faire oublier en position basse quand tout va bien.
Bref, elles doivent être éduquées pour pouvoir éduquer.
Les doigts ressentent ce que le cheval dit (çha te va comme çha ? j’ai déjà trouvé che que tu voulais ? alors là pas queshtion j’ai un copain à aller voir on n’ira pas par là ! et shi je te donne chette nouvelle réponshe, car elle me va mieux que l’autre, t’es content?)
Et les mains répondent à toutes ces interrogations…
Répétez après moi: coudes au corps; la main qui agit monte (commissure des lèvres, pas barres) mais le coude ne bouge pas; la main cède vers l’avant et le bas quand elle obtient, par le relâchement de tout le bras, mais ne descend pas trop bas quand même (elle doit rester plus haute que la bouche).
Les mains bougent en tous sens selon les besoins mais ne s’agitent jamais pour rien.
NB: ceci étant un dialogue entre la main et la bouche, il est plus ou moins inutile de regarder la tête ou l’encolure de votre cheval en permanence (d’une part, elles ne vont pas s’envoler ni se transformer, d’autre part, les résistances de la mâchoire ou de la nuque ne sont pas forcément visibles depuis là-haut!), comportez-vous en aveugle, affinez vos sensations, fermez les yeux souvent…
(d’un autre côté, ma foi, si vous les trouvez belles, cette tête et cette encolure… mais affinez quand même les sensations de vos doigts, pas celles de vos yeux!)
Il existe donc aussi un langage des mains en équitation, une série de codes manuels à inculquer à sa monture afin d’en être compris.
L’exercice semble aussi délicat que celui de la traduction où tout contresens remet en cause une idée bien définie.
Des mains mobiles donc tels des marionnettistes avec leur pantin, l’image ne me plaît guère mais elle me semble juste (dites moi si je me trompe ). Sauf que nos pantins sont dotés de vie et donc de désirs pas toujours en adéquation avec les nôtres 😉
Juste pour info, le terme de rênes vient du latin ritenere qui signifie donc retenir; ce qui prouve qu’à la base, elles n’avaient pas autant de fonctions que de nos jours….
Rhâlàlà, ce n’est pas parce-que les enfants sont montés hier avec un bâton entre les mains 🙂 (dont le but pédagogique est de leur tenir les mains écartées l’une de l’autre, de leur faire prendre conscience visuellement de leurs erreurs d’action, etc.), qu’ils avaient une marionnette dessous! 😉
Mais tout ce que tu dis est juste.
Niveau relationnel au cheval, on est plus dans le domaine du couple de danseurs que dans le domaine des marionnettes.
Il y a celui qui mène la danse et propose les figures, et celui qui se laisse mener. Il faut du temps pour que les codes et les réponses soient établies correctement entre deux danseurs qui ne se connaissent pas, encore plus de temps pour que cela ait l’air fluide et naturel… Alors imagine quand personne ne sait encore danser! 😉