Je vous situe le tableau: propriétaire depuis dix ans d’une jument qui est assez avancée en dressage et pitreries en tous genres, voilà 6 ans que j’attends de trouver un instructeur (ou moniteur, ou cavalier, peu importe) qui soit disponible en province pas loin de chez moi, qui ne crie pas sur ni n’humilie les cavaliers, et qui soit capable de nous apporter, à ma jument et à moi-même, des routes nouvelles pour le travail.
Et il est enfin là: Dominique Bélaud…
Je suis d’abord très très prudemment allée le voir enseigner (il se déplace à Mirepoix à Rec Farm, chez Elisabeth de Corbigny, grâce à l’initiative de Sylvie Anduze-Acher et la bonne volonté d’accueil de Vick Fiedler).
Pas un cri, pas une humiliation, beaucoup de citations de grands Maîtres, des explications claires et logiques, des exercices où sont détaillés les avantages et inconvénients non seulement de l’exercice lui-même, mais en plus de leur intérêt en fonction de chaque type de cheval; et un poil d’humour, ce qui ne nuit pas dans ce milieu souvent profondément coincé…
Des chevaux qui progressent, des cavaliers qui, même rincés, travaillent et finissent avec le sourire aux lèvres… Un cours adapté à chaque cheval… Banco, je me suis inscrite enthousiaste pour la session suivante! C’était donc hier.
J’arrive avec ma vieille selle synthétique fétiche, mon tapis un peu vieux et presque propre, mes pantalons d’équitation (ça change du jean), mes gros godillots de marche et pas de mini-chaps (elles sont si abimées que j’ai eu honte de les sortir au dernier moment). Heureusement, Marion m’avait prêté sa belle bombe, j’avais au moins ça de pas trop craignos. 😀
Ma jument arrive donc avec son licol (et moi, avec le filet ‘reconstitué de dernière minute’ sur l’épaule; on ne se refait pas!), et ses chaussures (hipposandales) aux quatre pieds. Je présente par avance mes excuses pour la qualité du matériel – ce dont de toute évidence il se fiche, ouf, méga ouf – et demande si je dois commencer à pied (puisque je savais qu’il le fait faire en général). M. Belaud nous toise, réfléchit, et me dit que non, direct en selle.
Il a dû se passer cinq minutes de détente avant qu’il ne me dise: “Vous faites partie de ces gens qui en ont eu marre du tire-dessus-pousse-rentre-dedans et du j’en-ai-plein-les-bras… Vous avez adopté une équitation en réaction à votre vécu négatif. Mais du coup, votre cheval ne s’étend pas assez vers le mors; non qu’il ne s’étende pas, non qu’il refuse, mais il est toujours un peu en arrière de la main sous prétexte de le garder léger.’
Waouuuuu… Je ne me fais pas jeter parce-que mon cheval ne tend pas réellement ses rênes, il comprend ce que j’ai fait jusque-là… Un poids de moins sur la poitrine, je suis prête à affronter tous les exercices du monde.
La notion de contact sans poids est abordée (chose que je n’ai jamais pu accepter de qui que ce soit car on m’obligeait toujours à mettre quelques centaines de grammes voire quelques kilos permanents dans la bouche d’Eclipse) , et je m’envoie quelques tours au trot avec un début d’idée de comment obtenir qu’Eclipse s’ouvre en allant chercher le mors. Bon. Reste à voir si, seule, hors cours, je serai capable de m’y tenir, ce qui est bien moins sûr.
Puis après qu’il ait pris ma jument en main deux secondes, sourire au coin des lèvres, il me dit ‘Elle connait tout à pied, n’est-ce-pas? Elle est flexible, elle est maniable… en plus elle comprend vite et est de bonne volonté. Bien, elle doit donc savoir faire les épaules en dedans, montrez-moi ça’. C’est bon, il m’a assez flattée en complimentant Eclipse, il peut à présent me demander la lune, je suis mûre! 😳
Va pour des épaules en dedans. Avec un cheval qui s’étend en avant de la verticale, je suis beaucoup moins à l’aise, mais j’assume. Remise au point sur l’orientation de ma tête dans l’exercice (sous les rires contenus et agréables des spectateurs qui en sont tous passés déjà par là avant moi; pffff). Ok, ok, je ne regarde plus où je vais, je regarde vers le cercle – que je ne fais pas – compris; mais comme il se doit, difficile d’ôter des années de conditionnement. 🙄
On passe au galop. Faire s’ouvrir la jument étirée en bas, au poil, Eclipse n’a pas oublié ses origines de trait, je suis même obligée de la décoller un peu de la main tellement cela lui est facile et plaisant. M. Belaud émet alors l’idée que j’ai eu raison de ne pas laisser ma jument me treuiller jusque-là (je le sais; il ne manquait plus que lui pour que je puisse passer à la suite du dressage; 6 ans d’attente, quel gâchis..). Merci, merci, merci. Enfin quelqu’un qui ne crache pas sur tout ce qui n’est pas parfait. Quelqu’un qui est capable de comprendre qu’on fait ce que l’on peut avec notre petit bagage équestre.
‘Demi-volte et contre-galop’. 🙂 Même pas peur, allez mon ange, on y va. Fidèle à elle-même, Eclipse est parfaite, équilibre, aisance, bonne volonté, tout y est. Pareil à l’autre main, où à nouveau, nous passons les coins à faux sans l’ombre d’une difficulté. M. Belaud me regarde, réfléchit: ‘En cercle au contre-galop autour de moi’. Y’a qu’à demander. 😉
‘Elle sait galoper à faux en cercle, elle passe au pas du galop et repart au galop du pas aisément. Elle doit savoir appuyer au galop (sourire de ma part: ben oui, bien sûr). Donc cette jument change de pied.’ Mon coeur bondit de joie, il aborde le sujet comme ça là, paf, dès notre première rencontre… je n’y crois pas!
‘Ah non Monsieur, elle ne change pas de pied! Elle fait tout ce que vous voulez, mais elle ne change pas de pied.’ J’exulte, depuis le temps que je ne sais plus comment faire, avec tous mes livres des Maîtres sous les yeux… oui, depuis tant de temps… ‘Hé bien elle va changer de pied, alors, il n’y a qu’à lui expliquer’
Galop sur le cercle. Au pas. Renvers au pas (contre-incurvation et hanches fortement hors du cercle: “qu’elle comprenne ce que l’on voudra tout-à-l’heure au galop” me dit-il; soit.). Contre-galop à partir du renvers. Au pas. Galop. Au pas. Renvers. Contre-galop. Au pas. etc.
Et puis… Galop. Pli extérieur. Renvers au galop à juste. Je suis une seconde surprise, ne comprends pas bien le but (dans les livres, on explique qu’il faut mettre le cheval à faux pour lui demander de se remettre à juste, ce qui lui est plus facile; donc à l’instant précis où il me demande le renvers au galop, je n’imagine pas une seconde la suite immédiate…)
Et ma jument de galoper à juste en renvers excessif sans changer de pied (ah, bon, je sais ce que je dis quand même!), et là j’entends “Stick! stick! qu’elle comprenne qu’il faut en donner plus, qu’elle cherche, qu’elle soit obligée de changer derrière!”. Hein? Soit… Puis le “Ça y est!!!” qui me fait lâcher les rênes et caresser grandement tout en restant incrédule mais contente (j’ai rien senti, toute pas à l’aise dans mes gestes, je suis restée sourde au corps de ma jument, mais ma jument était bien sur l’autre pied!). Carotte.
A l’autre main, même tactique, et là… Je l’ai senti passer! (normal, elle n’a changé que de derrière, j’étais sur un carrosse avec une roue salement voilée!). Explosion de joie qui n’en revient pas, caresses, pied à terre, carotte, desseller, débrider, libérer, la regarder se rouler…
Je suis sortie avec ces paroles en tête ‘Dès qu’un cheval change de pied derrière, c’est qu’il saura changer de pied’. Je l’ai enfin, mon chainon manquant! Merci M. Bélaud, merci…
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moi qui croyais qu’il s’appelait benoit qqchose! vachement déçue…
mais vachement contente pour les changements de pied de louloute – grâce aux ziziboots, ça?! 😆