Deuxième leçon
Au soir du premier jour de stage, je ne pouvais presque plus poser le pied par-terre tant le genou m’envoyait d’étranges informations…
Au deuxième jour, je me suis donc levée avec une forte inquiétude… Inutile: la guérison s’est poursuivie malgré tout, et j’étais presque d’attaque. Beaucoup de marche à pied, en essayant de ne pas boiter, avec Éclipse en main; et en évitant soigneusement les paons qu’elle abhorre (en pleine saison de drague donc avec roues à gogo), et hop, c’est à nous.
Arrivée dans le manège, je me sens encore brouillon, sans idée précise de la détente à faire, en plus je me retrouve toujours dans les pattes du Mérens – entier – qui, lui, est toujours en cours avec M. Karl.
Cela ne facilite pas la vie de sa cavalière… ni ma concentration, et encore moins l’amorce d’une organisation quelconque.
Cette fois, j’ai pensé à prendre le licol – en guise de caveçon – et la paire de rênes remplace comme d’habitude la longe de travail que je n’ai pas.
J’imagine déjà quels genres de remarques je vais entendre de la bouche du Maître… 🙂
Pour me rassurer, je me dis que M. Belaud doit, quelquepart de l’autre côté des tables des auditeurs, m’accorder son indulgence avec un demi-sourire. Alors c’est bon, je suis d’attaque.
Le Mérens sort. C’est à moi. Regard goguenard (je le savais!): “Montrez-moi quelques flexions”, suivies d’une bonne réexplication de texte. Grosse frustration pour moi: je suis flottante là, en effet, alors que je n’avais travaillé – au club – quasiment que ça avec une rigueur draconienne. Pas moyen de faire ‘Rewind-erase’, aaargh. Pfff, tant pis, je n’ai qu’à pas être à la ramasse. Je refais mes gammes, correctement cette fois, et allez hop à cheval.
Séance vivante où s’enchainent les mouvements sans que je sois préalablement prévenue de la figure à venir. 🙂
Je serais totalement dans mon élément si ce n’était cette rouille générale pas encore bien-bien passée. Plier, remettre droit, étendre, reprendre et relever, avancer, rythme lent et bonne activité…
Je m’entends penser “oh la vache, il y va fort, pourvu que mon genou tienne, tant pis, on y va”.
Je me fais reprendre régulièrement, je découvre de nouvelles choses (comment ça mes mains ne sont pas écartées? comment ça je confonds activité et précipitation? ah mais nan, chuis pas prête, moi, pour la flexion de nuque nouvelle version!), mais pas le temps d’analyser (ma fatigue est telle que je n’ai même pas la présence d’esprit de regarder le retour dans le miroir, dommage!), pourtant ce serait bien utile…
Le rythme de travail me parait élevé, je fatigue vite, me sens crispée trop souvent, je suis même essoufflée très rapidement (ce qui n’est pas du tout le signe d’une grande décontraction, hein!), mais c’est quand même l’éclate totale. Je revis après dix semaines d’état larvaire. Tout ce temps en stand by, à n’espérer qu’une chose: être capable de me hisser à cheval pour ce stage.
Éclipse, elle, accepte comme souvent mes imperfections, mes retards, mes à-coups sans trop se dégrader, ce qui me garde en confiance et me motive pour tenir bon.
Bande sonore de la séance: “Non non, on n’a pas fini, ne la laissez pas tomber, préparez-vous, à quoi on ne sait pas mais préparez-vous, gardez-la prête” ou encore quand j’étais trop fatiguée, plus en phase du tout: “Ne secouez pas vos mains comme si vous essoriez la salade”. Mais j’ai savouré aussi des “Ne la laissez pas courir comme une crêpe”.
Ceci dit, sachant comme mon esprit vagabonde vite, toutes ces allusions aux aliments me déconcentrent toujours durablement… Crêpe, brioche, frites, marshmallow… On est bien loin de l’allégé! Ce n’est pas fait pour m’aider à être sérieuse!
Plus technique: “Votre rêne extérieure est inconsistante, comment voulez-vous demander des choses consistantes? fixez votre main”, une redite, non?, par rapport à la veille et aux stages précédents… Dois-je y voir un manque de progrès de ma part? 🙄
Suivie en général de “Fixez vos mains, coudes au corps, mains hautes puisque vous voulez qu’elle se tienne: les mains au garrot sont pour l’extension d’encolure”
Et de l’explication qui va avec: “Quand elle a l’encolure relevée, c’est le seul moment où elle peut fixer sa tête: coude au corps, fixez votre main extérieure, demandez-lui de s’arrondir par la rêne intérieure, sans pli si possible, voilàààà! fixez vos deux mains: qu’elle sache qu’elle doit rester là, et récompensez seulement après; vous pouvez même vérifier son désir de tendre les rênes en lui proposant l’extension d’encolure, simplement en rallongeant doucement les rênes”
En résumé: “Fixez votre main, fixez votre main, fixez votre main, ne soyez pas inconsistante” ont bercé cette séance…
Autre point sur lequel il va me falloir travailler: quand il me dit ‘Avancez! Avancez!”, ça veut dire “Douuuucement”, 😕 c’est pas encore bien bien rentré du tout… J’ai un bête réflexe qui fait qu’avancer, pour moi, signifie que ça ne va pas assez vite. Alors qu’en fait, ça ne va pas assez énergique pour cette vitesse-là. Travail à venir: museler le réflexe, donc me désensibiliser à l’ordre “Avancez!”.
Séance finie, je reprends difficilement mon souffle. Je comptabilise le nombre de fautes grossières commises (cercles pas ronds, épaules en dedans sorties de la piste…) alors que ça ne m’était plus arrivé depuis, ouh là, au moins oui!
Je desselle Éclipse au manège, lui ôte son filet pour lui masser le coin des lèvres. Zut, j’ai oublié le licol, la longe, et les clefs de voiture (pour ranger le matériel) auprès de Sylvie, la Présidente d’Equicare. Pas de bol, elle est assise juste derrière M. Karl et la leçon suivante a déjà commencé. Pfff, je vais encore me faire remarquer. Je pose le harnachement aux pieds d’Éclipse, lui demande de ne pas bouger, et me faufile subrepticement dans le dos de M. Karl. Pendant que Sylvie tente de me rendre discrètement tout mon fourbis, j’entends une voix s’élever, c’est bien ma veine : “Qu’est-ce-que c’est que ce bivouac là-bas?! C’est la jument qui vous garde vos affaires? On dirait un campement de bédouins”. Qui, qui, qui me parle?
Perdu pour perdu, je repars en fanfaronnant. 😳
(à suivre)