Evaluation de l’effet d’un traitement ostéopathique par accélérométrie


Séverine Deretz – Juin 2017

Cette étude a été réalisée grâce au soutien du réseau Osteo4pattes, et de la Start Up Equisense pour le prêt du matériel.

Le sujet

L’ostéopathie est une histoire… de ressenti, d’observation, de choix, de rencontre avec l’autre, avec soi, avec le patient, etc. Pratiquer l’ostéopathie implique d’évaluer, de sentir une réalité qui dépend de soi (de son propre ressenti, du moment) et du patient. Donc une grande part de subjectivité.

Si nous ne pouvons pas encore démontrer ou mesurer (objectivement) les paramètres qui entrent en jeu lors du soin, pouvons-nous a minima mesurer ses effets sur l’animal?

Par cette étude, j’ai donc choisi de mesurer les impacts d’un soin sur la locomotion du cheval.

Que nous dit la recherche à ce sujet?

  • L’examen des boiteries repose sur des observations subjectives (Stashak 2002, Arkell et al. 2006, Fuller et al. 2006)
  • Un cheval boiteux diminue les forces agissant sur le diagonal* boiteux (Weishaupt et al., 2004, 2006)
  • Il est possible de mesurer les asymétries d’allure par accélérométrie (Burgaud et al. 2009, Thomsen et al. 2010)
  • Il est possible de mesurer les effets d’un soin ostéo en conditions expérimentales (Burgaud et al. 2013)

Peu de recherches ont été menées dans ce domaine mais une étude a déjà montré qu’il était possible, en conditions expérimentales, de mesurer certaines caractéristiques de la locomotion du cheval avant et après une manipulation ostéopathique.

* un diagonal correspond à l’association d’un antérieur et d’un postérieur controlatéral, soit MAd-MPg ou MAg-MPd

De la recherche à la mise en pratique… Quel chemin reste-t-il à parcourir?

1. Est-il possible de caractériser (typer, quantifier) des boiteries par accélérométrie ?

Les mesures préalables ont été faites sur des chevaux présentant des allures étriquées, dont l’amplitude était réduite. Peu d’études se sont concentrées sur l’évaluation des boiteries par accélérométrie. Aucune n’a permis à ce jour de les caractériser (boiteries des antérieurs, des postérieurs, boiteries hautes ou basses, boiteries de dos, etc.)

2. Quel est l’effet d’un soin ostéopathique sur ces différents types de boiteries ?

L’ostéopathie est encore une science ‘empirique’, notamment dans le règne animal. Nous savons que l’ostéopathie produit des effets positifs et améliore la locomotion mais ce sont des observations faites sur le terrain, ou au dire des propriétaires de chevaux. Un nombre important de questions restent encore sans réponse : pour quel type de boiteries, en combien de temps peut on observer les premiers effets, sur combien temps l’effet d’un soin se prolonge-t-il ? etc.

3. Confirme-t-on les premiers résultats en conditions expérimentales ?

Les premiers essais d’évaluation des effets d’un soin par accélérométrie ont été menés en conditions expérimentales, donc avec un lot de chevaux homogènes (même race, même taille, même âge, mêmes activités) et dans des conditions d’élevage identiques.

Les résultats observés sont-ils reproductibles dans des conditions de terrain ?

L’accélérométrie, c’est quoi?

Placé sur la sangle, un accéléromètre est un petit appareil qui mesure l’accélération (changements de vitesse) dans 3 axes : antéro-postérieur, dorso-ventral, latéro-latéral.

L’exploitation judicieuse de ces informations permet de caractériser les allures : cadence, rebond, régularité ou encore symétrie.

Que peut-on mesurer avec un accéléromètre ?

La cadence correspond au rythme des allures, à la fréquence. C’est l’une des composantes de la vitesse (avec la longueur de foulée). En effet, pour accélérer, un cheval augmente sa cadence, sa longueur de foulées et/ou les deux !

La cadence est inversement corrélée à l’amplitude du déplacement dorso-ventral. Donc plus le cheval augmente sa cadence (donc sa vitesse), moins il a de rebond.

La symétrie est liée à la régularité et au déplacement dorsoventral. La régularité correspond à la ressemblance entre les foulées précédentes et suivantes.

La symétrie a donc deux composantes : la régularité des allures et la régularité du rebond (dorso-ventral). Un cheval boiteux, donc asymétrique, aura une foulée avec un rebond plus important.

Quel a été le matériel utilisé ?

Pour cette étude, j’ai choisi d’utiliser un accéléromètre commercialisé pour le grand public afin de voir si les résultats de recherche étaient reproductibles sur le terrain.

Cet accéléromètre comporte de nombreux avantages, les résultats sont immédiats, récupérables sur un téléphone via une connexion bluetooth.

En revanche, cet appareil est peu adapté pour effectuer des essais pour lesquels il n’a pas été conçu ! Par exemple, il n’est pas possible de récupérer instantanément les données brutes, on ne récupère que des moyennes par séquence enregistrées, ce qui n’est pas satisfaisant pour cette étude.

Il a donc fallu s’adapter et trouver des astuces..  

Quelles ont été les conditions de mesure ?

Très variables !

Les atteintes étaient elles aussi très variables : dos, membres antérieurs, postérieurs, contractures musculaires, sections de tendons, suites de fractures, atteintes articulaires, neuro, viscérales… Etc.

Les chevaux étaient très différents, de Baptiste (mulet de 0.9m) à Quaprice (grand selle français d’1,9m !). Ils n’avaient non plus les mêmes types d’activités, du poulain au cheval de club en passant par le cheval de CSO.

Les terrains aussi étaient très différents : sable, route, cailloux, boue, ..

Afin d’homogénéiser au maximum les conditions de mesure, j’ai choisi d’enregistrer les allures au trot sur une ligne droite (la plus droite possible) et sur un cercle à gauche puis à droite.

Les soins ont aussi été homogénéisés au maximum. Pour cela, j’ai choisi d’effectuer des soins sur les grands axes d’équilibre des chevaux : chaînes de Poyet, tension dure-mérienne, axe cranio-sacré, traitement ostéopathique global (TOG) et réharmonisation tissulaire. 

Le protocole

Le protocole a consisté à effectuer une première mesure de la locomotion avant traitement, d’effectuer un traitement puis de mesurer à nouveau la locomotion à J0 (après traitement), J2, J8 et J30 :

  • J0 avant traitement : Ligne Droite (LD) – En Cercle (EC)
  • J0 après traitement : LD – EC
  • J2 : LD – EC
  • J8 : LD – EC
  • J30 : LD – EC

Il y a donc eu 10 séries de mesures par cheval x 30 chevaux = 300 séries de mesures en tout !

Le recueil de données calculées

L’accéléromètre permet de recueillir un certain nombre de données immédiates comme :

  • Le temps de la séance (ici : 2.24 min)
  • Le temps passé à chaque allure
  • Le temps passé à main gauche et à main droite
  • La ‘symétrie’
  • La cadence
  • Le rebond

Mais ces données calculées par le capteur ne sont pas exploitables pour cette étude. En effet, ce sont des moyennes par séance, donc y compris les irrégularités d’allures (un arrêt, un écart, un bond, etc.) ! Il n’est pas possible d’établir une moyenne de la symétrie, pour être fiable et fine, elle ne peut être calculée avec précision que sur une séquence régulière au trot.

Recueil des données brutes

Recueillir les données brutes nécessite une toute autre organisation, il faut :

  • Charger les séances sur l’ordinateur
  • Récupérer les fichiers ‘cachés’
  • Envoyer les fichiers à Equisense
  • Remaniement des fichiers par Equisense
  • Renvoi des fichiers en .csv par Equisense
  • Vérification des fichiers (correspondance, animal, données manquantes, régularité, etc.)
  • Analyse des données

Analyse des données

Une première analyse des données brutes a permis d’observer le comportement des variables.

Ci-dessous une illustration de l’accélération latéro-latérale, antéro-postérieure et dorso-ventrale d’un cheval au trot. On peut voir que l’accélération dorso-ventrale est la plus régulière. C’est aussi la plus simple à exploiter (comparer les données entre elles). Mon choix s’est donc porté sur l’analyse des données d’accélération dorso-ventral, qui correspond au rebond et qui nous intéresse particulièrement car corrélé aux asymétries d’allures et aux boiteries.

Mesurer les boiteries

Nous avons vu que les boiteries sont des asymétries d’allures qui se manifestent par une asymétrie du rebond. En effet, le cheval soulage le diagonal boiteux et augmente sa charge sur le diagonal sain. Donc au trot, l’accélération dorso-ventrale du diagonal boiteux doit en principe être plus faible que celle du diagonal sain.  

C’est ce qu’illustre la figure ci-dessous :

 Courbe lissée d’accélération dorso-ventrale d’un cheval au trot (Thomsen et al, 2010).

AUC correspond à la surface (donc à l’intégrale de la courbe) de l’accélération dorso-ventrale (diagonal 1 et diagonal 2), en fonction du temps. L’indice de symétrie A est basé sur le ratio, donc la différence d’amplitude d’accélération entre les deux diagonaux : AUC1 et AUC2.

Ce cheval ne présente pas de différence, c’est donc un cheval non boiteux

Par contre, la courbe ci-dessous a été obtenue avec un cheval boiteux, on constate que les diagonaux n’ont alternativement pas la même amplitude :

Résultats

Ces indices d’asymétries ont été mesurés pour l’ensemble des chevaux à J0, avant le soin.

Un ‘seuil’ de locomotion régulière a été fixé de façon arbitraire, à 7% d’asymétrie (sur un maximum de 33%). 11 chevaux étaient donc considérés boiteux avant le soin.

Ce sont ces 11 chevaux qui ont été utilisés pour cette étude.

L’indice d’asymétrie a été calculé pour chacun de ces chevaux à J0 après le soin, J2, J8 et enfin à J30 donc un mois après le soin.

Des moyennes de l’ensemble des asymétries ont ensuite été calculées pour ces 11 chevaux afin de voir si globalement, un soin permet d’améliorer la symétrie des allures, et en combien de temps.

La courbe ci-dessous représente l’évolution de l’asymétrie au cours du temps pour l’ensemble des chevaux boiteux (moyenne de 15% au départ).

On peut constater une diminution régulière des asymétries, donc des boiteries, jusqu’à passer en dessous du seuil de 7% au bout d’un mois.

Conclusion

Les questions posées au départ étaient les suivantes :

Est-il possible de caractériser (typer, quantifier) des boiteries par accélérométrie ?

Il semblerait que oui si on automatise les calculs instantanés de symétrie à partir d’une séquence régulière d’au moins 10 foulées. En l’état, une moyenne calculée sur l’ensemble de la séquence enregistrée n’est pas fiable.

Quel est l’effet d’un soin ostéopathique sur ces différents types de boiteries ?

Il semblerait qu’un soin améliore la locomotion, y compris dans des conditions de terrain hyper variables ! Il s’agit néanmoins d’un petit échantillon (11 chevaux) qui présentaient des atteintes ostéopathiques ou musculaires. Cette étude mériterait d’être reconduite à plus grande échelle ! 

Confirme-t-on les premiers résultats en conditions expérimentales (temps de récupération) ?

L’amélioration est rapide pour certains chevaux mais pour d’autres, lorsque les atteintes sont anciennes ou que les tissus ont été touchés (muscles, tendons, etc), les chevaux ont besoin d’un temps de récupération qui peut aller jusqu’à un mois (pour notre échantillon).

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